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Photo du rédacteurJohn Barbary

Soldat, artiste martial, même pratique ?

Dernière mise à jour : 9 déc. 2019

Nous avançons généralement et à juste titre que nos pratiques martiales descendent directement des pratiques des anciens soldats chinois. C’est un fait que l’on ne peut nier, mais est ce uniquement le cas ? Quelle partie exactement ? Et cela sans aucune transformation ?


L’artillerie que nous utilisons est identique. Les armes utilisés sont les mêmes, mais pratiquées de façons différentes.


Lorsqu’au champ de bataille, 3000 ennemies se font front, nous n’allons au contact en combat singulier qu’en dernier recours, lorsque les flèches, et canons ont fait le ménage. Lorsque l’unité attaque, c’est en rang. Dans ces conditions, il n’y a pas de place pour les mouvements giratoires, trop amples ou très compliqués. Le soldat joue sa vie au bout de sa lance, avec la peur au ventre. Dans ce cas là, n’imaginons rien de bien fleurie, que du pratique.


En effet, lorsque nous analysons les entraînements militaires des anciennes Dynasties chinoises suivant les textes historiques tels que Wu Bei Yao Lue 武備要略 ou encore le Lianbing shiji 練兵實紀décrivants précisément les techniques, nous pouvons constater des techniques linéaires, simples, directes et pratiques. Rien d’élégant au sens fleurie de la chose, pas de sauts, pas de WuShu moderne en somme... Juste la beauté d’un geste simple, pratique et bien exécuté.


Contre toutes attentes, les arts martiaux tel que nous les pratiquons aujourd'hui sont relativement récents, c’est un fait qu’il faut accepter. Ils sont un mélange de pratique de Mai Mo (conf l’article : A la découverte des Mai Mo) allié à un sens martial pratique et une petite, très infime partie de l’art de guerre militaire à proprement parler. Ils sont constitués de reprise de mouvements pratiques, ajoutés à des mouvements plus esthétiques. Les techniques sont majoritairement basées sur le duel, ou contre un nombre d’adversaire restreint et en tout cas jamais pour être utilisés en groupe, dans une unité militaire, entouré d’autres soldats épaule contre épaule.

Exemple de formation d'une unité sous les Ming


Notons également que les soldats de l'époque étaient vêtu d'amures pour un certain nombre. Il est probable que le port d'armures rendait impraticable un certains nombres de mouvements de nos formes actuelles. 

De réelles différences indéniables


Pour exemple, prenons la pratique de la lance Qiang. La longueur correcte d’une lance est prise de nos jours bras tendu vers le ciel, pointe de l’arme touchant l’intérieur de la paume. C’est la taille généralement rencontré afin de pouvoir exécuter convenablement les mouvements de nos formes actuelles. Dans le Huang Shao Liqi Tushi 皇朝禮器圖式,le règlement de l’armée verte des huit Bannières, la longueur des lances se situe entre 3m et 4,5m de long.


Pour un pratiquant de mon gabarit (1.92m) la longueur adéquate de lance est de 2,30m... Étant d’un gabarit bien plus grand que n’importe quel chinois de n’importe quelle province, nous restons tout de même bien loin du compte.

Soldats de l'empeureur Qian Long sous les Qing. Notez la longueur des lances


Cela s’explique de plusieurs façons. Il va de soit que nous ne défendons pas exactement de la même manière un village pillé par un groupe de 50 bandits de grands chemins que contre une armée de 300 000 hommes entraînés,  en nombre égal, pourvu de matériels avancés dans des plaines dégagées. Les soldats sont placés en ligne, les lances leur permettant de garder les ennemies à une distance correcte. Les mouvements des lances passants dans le dos ou autour de la tête ne trouvent pas leurs places ici. Avec une telle longueur de lance, c’est de toute manière totalement impossible.


Autre exemple, la pratique des couteaux papillons. L’utilisation des couteaux papillons Hudiedao 蝴蝶刀était rependue parmi les soldats du sud de la Chine du 19em siècle. Ayant une expérience de la violence réelle, j’ai du mal à imaginer un soldat faire tourner ses couteaux dans ses pouces à l’aide de la garde au beau milieu d’une technique lors d’un vrai combat... Ayant toute les chances de rater son mouvement et de perdre ses armes au sol.


Qu’en est-il de la pratique main nue ? De nos jours, la majorité des écoles portent un intérêt plus prononcé au combat en corps à corps relayant la pratique des armes à la seconde, voir troisième place derrière les exercices de respirations et de santé comme le Qi Gong. Le leitmotiv motif de la plupart des pratiquants étant d’apprendre à se défendre. Ici encore, c’est une différence notable avec la pratique des soldats chinois antiques.


Dans son Ji Xiao Xin Shu 紀效新書le général Qi Jiguang met bien en avant que la pratique du combat main nue n’est quasiment d’aucune utilité sur le champ de bataille. Remettons nous toujours dans contexte, 100 000 hommes armés, vêtu d’armures, de casques....si le soldat perdait son arme...s’en était fini pour lui.

Pour autant, il forme tout de même ses soldats à la pratique d’un enchaînement en 36 postures qu’il cite être « uniquement pour l’exercice physique des troupes ».


Vous pouvez donc vous rendre compte une nouvelle fois des différences flagrantes entre la pratique des arts martiaux dans l’ancien temps avec la manière dont nous les pratiquons de nos jours. 

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